L'URGENCE DU SENS

Mois : décembre 2021

Pourquoi « L’Urgence du sens » ?

 L’Urgence du sens est le chapeau sous lequel seront édités tous ceux de mes travaux que je choisirai de publier en auto-édition. Pourquoi ce choix ?

Nous avons longtemps chanté les mérites du « sens de l’urgence ». Une aptitude indispensable à qui doit faire face au stress permanent de la vie moderne. Oui, nous avions le sens de l’urgence, et nous épuisions nos jeunes forces dans cette course. Au fil des années, l’urgence est restée, s’est même intensifiée, mais le sens s’émoussait secrètement. C’est alors qu’est né et a grandi le sentiment d’urgence du sens.

Je n’écris pas pour dire ce que je pense, mais pour le savoir.

Emmanuel Berl

L’urgence du sens ne nous vient pas seulement à l’esprit, mais aussi au corps. Au temps des cathéters et quand les vrais enterrements viennent de commencer, comme le chantait Brassens, il devient étrangement urgent de répondre d’une façon ou d’une autre à la question du sens. Aussi, mon métier d’auteur consiste-t-il, aujourd’hui, à faire courir contre la montre une plume dont la trajectoire vise à explorer le mystère du sens. 

Je n’écris pas pour dire ce que je pense aurait, dit-on, affirmé Emmanuel Berl, mais pour le savoir. J’ai fait mienne cette phrase programmatique de l’écrivain. Pour savoir jusqu’où je pourrai comprendre  — ou non — un peu du sens de ma vie, de celui du monde, et même, ô ultime folie, du sens du sens. Bref, un objectif monstrueusement ambitieux et voué à l’inachèvement. Ça tombe bien : je n’ai pas envie d’arrêter !

PS : À toutes fins utiles, précisons que ce que je désigne par « sens » ne doit pas être assimilé à un but, un objectif, ni même à une ambition, toutes choses raisonnables par ailleurs. Peut-être le sens est-il quelque chose comme la condition d’existence de ces choses ? Le sens serait-il antérieur à la raison, serait-il sa loi ?

Lire écrire et parler

Depuis ma vie d’étudiant jusqu’à ce jour, j’aurai finalement passé l’essentiel de mon temps à lire, écrire et parler. Il faut toutefois encore ajouter les voyages incessants, fructueux mais épuisants, au travers de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Mais aurai-je jamais fait autre chose de mes dix doigts qu’aligner des mots ? Tenir un stylo ou taper sur un clavier d’ordinateur ou d’un téléphone portable ?

Passionné de lecture, enfant j’ai dévoré la Bibliothèque verte, et puis la rose. Et puis celle qui était rouge et or. Lire m’était un refuge. J’ai puisé dans la bibliothèque de mes parents : Alexandre Dumas me faisait d’Artagnan, et le Roi n’était pas mon cousin… MM Lagarde et Michard m’ont fait découvrir la littérature. J’entassais comme de précieuses reliques les merveilleux petits Classiques Larousse de ma grande sœur. J’empruntais des séries noires chaque semaine à un cousin généreux… Aujourd’hui encore je garde le souvenir heureux de tous les soirs d’été consacrés à ces lectures.

« Un texte peut toujours en lire un autre, et ainsi de suite jusqu’à la fin des textes »

Gérard Genette, Palimpsestes, Éditions du Seuil, 1982

C’est pourquoi, aujourd’hui, l’artisanat solitaire et concret de l’écriture me convient tout particulièrement. Je trouve enfin dans cette activité une matière concrète à modeler, la possibilité de ce qu’on nomme une « création ». Mais on sait bien que ce mot de « création » est plus métaphorique qu’autre chose. Il s’agit plutôt ici de la poursuite de l’entreprise poétique qui a saisi l’humanité au moins depuis l’épopée de Gilgamesh.

Je n’écris pas pour dire ce que je pense, disait Emmanuel Berl, mais pour le savoir. Je fais mienne cette observation et chaque nouvelle page me démontre le bien fondé de cet entreprise. Une entreprise qui m’amène à produire ce que Genette désigne par le joli mot de palimpsestes. 

« Un texte peut toujours en lire un autre, et ainsi de suite jusqu’à la fin des textes » écrivait-il sur la quatrième de couverture de son Palimpsestes. La littérature au second degré, la littérature au énième degré, c’est ce que nous faisons, défaisons et reprenons encore.  Lire, écrire et parler, encore et encore…

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