L'URGENCE DU SENS

Mois : mars 2022

La Danseuse de la Madeleine

L’été adolescent en cropped top se promène
Quand jaillit un éclair violet, gracieux,
Il surgit, surprenant comme un signe des dieux.
Soudain alerté, j’observe le phénomène
 
Qui réveille la rue. Pouvoir mystérieux,
L’élégante silhouette et sa couleur vive
Aimantent mon attention et la captivent.
Seul, un profil perdu s’offre encore à mes yeux.
 
Comme l’extravagant, je suis son mouvement.
Des jeunes gens respectueux et patients
La sacrent souveraine en lui faisant cortège.
 
Elle sourit et me salue joyeusement.
Oui, je te reconnais à tes yeux confiants,
À ce pas de danse esquissé, ô privilège.

La Danseuse de la Madeleine, in Les Passantes
ISBN 978-2-32239-283-4


À propos de Les Passantes

La ville est une drôle de machine où les rencontres, apparemment fortuites, semblent réglées par un petit lutin farceur. Je ne peux m'empêcher de voir en chacune de ces passantes, en chacune de ces rencontres de hasard, les pages d'une histoire qui reste inachevée, les moments d'un destin qui ne se connait pas lui-même. 

"La danseuse de la Madeleine" est un des huit poèmes du n°2 de mon feuilleton poétique 2022. Il est dédié au mystère, à la légèreté, à la fugacité d'un instant marqué par la légèreté d'une robe d'été élégamment portée, la joie d'un sourire généreux et la vivacité d'un regard confiant. 

Quoi de plus important ? Quoi de plus urgent ?

Le corps alors n'est plus une chose, mais un signe divin.

Les Passantes

Saisi de sidération à l’annonce de l’attaque russe contre l’Ukraine, je suis resté, jusqu’à ce jour, incapable d’écrire l’article de présentation du deuxième e-Book de mon feuilleton poétique 2022.

Intitulé « Les Passantes », ce livre numérique regroupe huit poèmes choisis dans le recueil « Caresse du monde », qui reprennent le thème — récurrent dans l’histoire de la poésie — de l’extrême fugacité de la rencontre amoureuse.

Cette rencontre est de celles qui se concentrent en un unique instant, un instant que les Anciens nommait Kairos, un dieu mystérieux, qui arrive sans crier gare, passe à vive allure mais ne repasse pas. Kairos laisse pourtant à jamais sa marque dans les cœurs, au plus profond. Souvent, il décide d’un destin : la vie ou la mort, la défaite ou la victoire.

Pourrais-je aller à pied à ton enterrement ? Ce printemps qui vient là, comment savoir s’il ment ?

Extrait de Caresse du monde, N°34, © Jean-Marie Sonet, 2021

Il y aura donc eu aussi, en ce mois de mars 2022 qui annonce déjà le printemps, un passage de la paix à la guerre.

Rien n’aura été changé dans l’instant, mais tout est soudain différent. La vie prend une densité nouvelle, terrifiante ou exaltante selon les tempéraments, voire les deux simultanément. La terreur exige alors ce courage qui consiste, comme on sait, non pas à ignorer la peur, mais à la surmonter. Les Ukrainiens semblent bien connaître ce courage.

« Ce printemps qui vient là, comment savoir s’il ment ? » Cette question revient me tourmenter. Ces quelques mots, écrits il y a deux ans, prennent soudain, et brutalement, une toute autre couleur. Cette couleur, c’est celle de l’effroi.

Des couples, là bas, s’étreignent en un ultime baiser. Elle part pour l’exil, il part au combat. Cet instant de basculement, miroir de celui de leur rencontre, ne se laissera ni oublier, ni partager.


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