S’il est une loi que nous respectons tous, c’est bien celle de la gravité universelle. Ce n'est pas par hasard que Saint-Simon(*) avait reconnu en elle l’ordonnateur suprême de l’univers... 

Que signifie ce titre ?

Ce « pas » dont il est question dans ce titre « Pas grave » , n’est pas une négation. C’est le pas d’un promeneur, ou celui d’un danseur, d’un équilibriste. Le pas est une chute maîtrisée. Le moteur de la marche, c’est la gravité, et c’est pourquoi le pas est grave. Mais il peut l’être aussi au sens figuré, qu’on songe seulement à celui du cheval de Caïus Julius César franchissant le Rubicon…

À juste titre, certains sont allés jusqu’à penser que la gravité pouvait être la loi suprême de l’univers, sous le nom de gravitation universelle. C’était d’ailleurs déjà l’opinion de Saint-Simon qui souhaitait établir cette suprématie. Mais il est vrai que celui-ci « (visait moins) la généralisation de la théorie newtonienne que l’occupation de l’espace laissé vide par la disparition du grand mécanicien de l’univers. Il (fallait) remplacer Dieu par « un principe », c’est-à-dire par une loi scientifique. » (*)

Enfin, la gravité est fidèle. C’est pourquoi elle nous accompagne dès la naissance, c’est-à-dire dès la mise-bas et jusqu’à la mort qui nous abat définitivement. Mais entre ces deux instants, elle nous aura guidés vers la verticalité et nous aura appris à marcher. Qui plus est, elle nous aura aussi offert l’occasion de nous élever, la tentation de nous abaisser et la joie de jouer avec elle, c’est-à-dire de danser.


Pas grave n°2

On peut être léger et avoir de l’aplomb.
Si mon air grave annonce un piètre fantaisiste,
C’est que la gravité me secourt et m’assiste,
Qui soutient mes désirs, pousse mes passions.

Elle m’ouvre un destin et assure mon droit
D’encore le poursuivre. Elle vient qui conforte
La douce assurance que jamais ne m’emporte
La folie de me croire autonome, hors-la-loi.

Je ne veux pas connaître l’orgueil du surplomb,
De m’être fait moi-même avoir l’illusion,
Ni lutter contre bonne ou mauvaise fortune.

Que flottent les rubans, se baissent les mentons,
Qu’on ferme les chantiers de la déconstruction.
La gravité m’apprend comment tourne la lune.


Pas Grave n°29, extrait du recueil « Caresse du monde« ,
Éd. Books-on-demand GmbH, Paris, 2021 copyright Jean-Marie Sonet.
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(*) Pierre Musso, « L’épistémologie de Saint-Simon (1802-1813) », dans : Pierre Musso éd., Saint-Simon et le saint-simonisme. Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 1999, p. 21-46. URL : https://www.cairn.info/–9782130498407-page-21.htm