L'URGENCE DU SENS

Auteur/autrice : jmsonet (Page 3 of 3)

Déconstruire, disent-ils*

À propos de Forteresse : La nomination cette semaine d’un déconstructeur de premier rang** au poste de ministre de l’Éducation nationale m’a donné envie d’attirer votre attention sur Forteresse, un poème que m’avaient jadis inspiré les déclarations fluides d’un candidat-président postmoderne qui aura, hélas, tenu ses promesses.

Forteresse

Penser est au risque de se payer de mots.
C’est une monnaie fluide, aimée des post-modernes.
Le droit est son idole, devant quoi se prosternent
Ceux qui aiment à ester près les tribunaux.

Pris dans la forteresse de leurs idéaux,
Derrière des remparts dépourvus de poterne,
Ils vont, sempiternels, chercher qui les gouverne.
Leur grâce est un espoir de gloire en vidéo.

Nous implorons le doux soutien de la bêtise.
Qu’elle ne nous fasse ni défaut ni traitrise,
Mais ruine le faux dieu de ces tristes dévots,

Répande le baume de la méconnaissance
Des lexiques amers, déconstruisant la France,
Intersectionnels et post-coloniaux.

Extrait de Caresse du monde, n°93 (© Jean-Marie SOnet, 2021)

* Le titre de cet article fait évidemment référence au « Détruire, dit-elle », titre d’un roman de Marguerite Duras (Les Éditions de Minuit, Paris, 1969, ISBN 2-7073-0136-1), roman qu’elle adaptera elle-même dans le film homonyme (1969).

** voir aussi à ce sujet, l’article de François-Xavier Bellamy dans le même journal.

Le Visiteur de Dnipro

Les rapports de fréquentation de mon site d’auteur transmis par l’hébergeur sont précis. Ils vont jusqu’à m’indiquer parfois la position géographique de mes visiteurs. Or, depuis des semaines, des mois à présent, j’ai la surprise de voir des connections sur mon site régulièrement enregistrées depuis la ville ukrainienne de Dnipro.

Impossible d’écarter l’hypothèse que ce visiteur ne soit qu’une machine, un de ces spiders robotiques qui poursuivent inlassablement leur travail, ignorant tout du monde. Mais ce peut être, plus probablement, un être humain, femme ou homme, Français peut-être, francophone sûrement, qui s’intéresse ainsi à mes publications.

Peut-être y trouve-t-il  l’occasion d’entendre parler d’autre chose que de la guerre et de ses combats, de respirer un air un peu plus léger, et tenter de chasser l’angoisse et le désarroi de son esprit.

Le regret de l’Europe aux anciens parapets

Il faut bien l’avouer, l’actualité militaire manque souvent de poésie et d’humour. et il ne faut pas compter sur Vladimir Poutine pour nous remonter le moral. La Russie ne serait-elle plus qu’un bateau ivre que sa course entraîne à ravager l’Ukraine pour venger son regret de l’Europe aux anciens parapets ?

Dnipro, capitale éponyme de son oblast, comptait avant la guerre un million d’habitants. Elle s’étend au bord d’un de ces immenses fleuves d’Europe centrale, dont mon professeur d’histoire-géographie au lycée nous disait déjà, dans les années 70 du siècle dernier, qu’ils étaient « non des fleuves, mais des catastrophes ! ».

Un million d’habitants à Dnipro hier. Aujourd’hui combien ? Les volontaires sont partis combattre mais des vagues de réfugiés viennent s’y abriter. Qui êtes-vous, cher visiteur ? Éclairez-moi ! N’hésitez pas à me laisser un message. Il est bien intimidant de se trouver ainsi en un contact aveugle avec cette Europe orientale que je connais si peu et si mal. Cher inconnu lointain, je vous salue bien bas et prie pour vous et votre pays. 

Sic transit

Sic transit gloria mundi : Ainsi passe la gloire du monde. La phrase ne s’adresse pas seulement aux puissants du jour, mais surtout à l’universel délire de toute-puissance qui s’exprime et s’imprime avec une force particulière dans la société post-moderne, jusque dans la langue et dans les corps. 

« Le réel, c’est quand on se cogne », disait Lacan. La force des coups reçus est à la mesure de notre prétention à la toute- puissance. À l’heure de l’extension du domaine du safe space, qui veut encore se cogner ?

Sous les coups, le temps s’échappe, la vie s’accélère, le possible s’éloigne et disparaît avec la vie. Reste la contemplation des fragments qui surnagent. «Aphrodite estropiée montre encore la beauté ». 

Ce numéro 4 du feuilleton poétique de l’année 2022 regroupe neuf poèmes choisis dans le recueil Caresse du monde

Enfances

Vient de paraître Enfances, le numéro 3 du feuilleton poétique de l’année 2022. Dix poèmes qui portent un peu du mystère de cette période de la vie : le temps des empreintes qui façonnent l’âme, des rêves qui inventent des mondes, celui des premières rencontres avec la confiance et la déception, la beauté et l’indifférence, le désir et le désarroi.

L’enfance demeure, dans son éclat diamantin, une manière de perfection chérie, protégée, bien à l’abri dans le poème. Lumineuse et redoutable, souvent indécise, toujours fragile, nous la traversons comme en apesanteur, et lui restons redevable de l’essentiel : notre façon d’être au monde.

« Que faire de ces enfances que nous portons, transportons et reportons à l’infini sans même nous en apercevoir ? »

Psychologues et psychanalystes, avec leurs concepts propres, explorent les forces et les conflits qui conditionnent notre façon d’être au monde, et nous aident à, ou nous empêchent de devenir ce que nous devons être. Depuis le IVe siècle, le christianisme a, quant à lui, développé la notion de « péché originel », une notion bien difficile à entendre pour l’homme post-moderne. Le péché est une figure du mal qui se manifeste dans la culpabilité.

Le « péché originel » semble alors être un pur modèle de péché. Puisqu’il n’est lié à aucun acte mauvais, d’où peut-il provenir ? Pour Lacan, la culpabilité serait l’expression du manque, le « signifiant » de la finitude. Elle serait le produit de la confrontation avec l’impossible, bien plus qu’avec l’interdit. Serait-ce dans un manque originel que se trouve l’origine du péché originel ? Ce redoublement – l’origine de l’originel – ne pourrait-il pas être le signe d’un possible dénouement ?

Avec le péché originel, Saint Augustin a aussi inventé la reconciliatio, c’est-à-dire la réconciliation de l’homme avec Dieu grâce à la médiation du Christ, qui peut dénouer la fatalité du mal, comme il advient dans le baptême où il conserve cette fonction réconciliatrice dans le dogme catholique.

Trouver la force de devenir sans cesse ce que l’on doit être, requiert d’opérer un retour sur notre propre histoire et de nous réconcilier avec elle. Or, l’histoire d’un homme, c’est d’abord, avant tout – et après tout – celle de son origine et de son lignage. C’est donc avec eux qu’il s’agit de nous réconcilier. À défaut, nous voilà contraints, culpabilisés, malheureux. La réconciliation peut nous sortir de ce piège, mais elle a besoin d’une médiation.

J’aimerais que la poésie des Enfances soit lue comme une poésie de réconciliation.

La Danseuse de la Madeleine

L’été adolescent en cropped top se promène
Quand jaillit un éclair violet, gracieux,
Il surgit, surprenant comme un signe des dieux.
Soudain alerté, j’observe le phénomène
 
Qui réveille la rue. Pouvoir mystérieux,
L’élégante silhouette et sa couleur vive
Aimantent mon attention et la captivent.
Seul, un profil perdu s’offre encore à mes yeux.
 
Comme l’extravagant, je suis son mouvement.
Des jeunes gens respectueux et patients
La sacrent souveraine en lui faisant cortège.
 
Elle sourit et me salue joyeusement.
Oui, je te reconnais à tes yeux confiants,
À ce pas de danse esquissé, ô privilège.

La Danseuse de la Madeleine, in Les Passantes
ISBN 978-2-32239-283-4


À propos de Les Passantes

La ville est une drôle de machine où les rencontres, apparemment fortuites, semblent réglées par un petit lutin farceur. Je ne peux m'empêcher de voir en chacune de ces passantes, en chacune de ces rencontres de hasard, les pages d'une histoire qui reste inachevée, les moments d'un destin qui ne se connait pas lui-même. 

"La danseuse de la Madeleine" est un des huit poèmes du n°2 de mon feuilleton poétique 2022. Il est dédié au mystère, à la légèreté, à la fugacité d'un instant marqué par la légèreté d'une robe d'été élégamment portée, la joie d'un sourire généreux et la vivacité d'un regard confiant. 

Quoi de plus important ? Quoi de plus urgent ?

Le corps alors n'est plus une chose, mais un signe divin.

Vent d’Est

Vent d’Est est le premier numéro d’un feuilleton poétique et numérique mensuel qui durera toute l’année 2022. Ce premier numéro est composé de neuf poèmes choisis dans le recueil Caresse du monde. Vous y pourrez partager ma tendresse pour ma région d’origine à travers une série de sonnets contemporains qui parlent de feu, de sources, de fleuves et d’horizons.

J’ai fait mes premiers pas dans l’émerveillable haute vallée du Rahin, entre Ballon d’Alsace et Ballon de Servance. Mon enfance et ma jeunesse ont eu pour cadre la Franche-Comté, la Lorraine et l’Alsace, et comme beaucoup d’habitants de ces régions, j’en ai longtemps franchi les frontières et, au delà du Rhin, poursuivi mon parcours.

Bref, je suis resté un « homme de l’Est ». J’ai conservé un profond attachement pour cet orient du royaume de France, si cruellement traité par l’Histoire, et pour ses habitants, fidèles en amitié.

Caresse du monde leur doit beaucoup. Vent d’Est leur doit tout.

Vent d’Est est disponible dès à présent dans la librairie numérique de l’éditeur. Pour commander, cliquez sur le bouton orange ci-dessous  » Vers la librairie BoD ».

Enfin disponible !

Mon recueil de poésie Caresse du monde est enfin disponible à la vente.

Découvrez gratuitement les huit premiers poèmes du recueil sur le site de l’éditeur (BoD – Books on demand GmbH).

Le travail poétique qui vous est ainsi proposé vous vient d’un homme originaire de la haute vallée du Rahin, entre Ballon d’Alsace et Ballon de Servance. Toute mon enfance et ma jeunesse ont eu pour décors Lorraine, Alsace et Franche Comté. J’en ai gardé le goût de la contemplation, une capacité inépuisable d’admiration, et un profond attachement pour cet orient du royaume de France, si cruellement traité par l’Histoire, et pour leurs habitants, fidèles en amitié.

Caresse du monde leur doit beaucoup. Je leur dois tout.

Le livre est disponible en France dans la librairie en ligne de l’auteur, dans le reste du monde chez l’éditeur et sur de nombreux sites marchands. Pour en savoir plus cliquez sur ce lien.

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Pourquoi « L’Urgence du sens » ?

 L’Urgence du sens est le chapeau sous lequel seront édités tous ceux de mes travaux que je choisirai de publier en auto-édition. Pourquoi ce choix ?

Nous avons longtemps chanté les mérites du « sens de l’urgence ». Une aptitude indispensable à qui doit faire face au stress permanent de la vie moderne. Oui, nous avions le sens de l’urgence, et nous épuisions nos jeunes forces dans cette course. Au fil des années, l’urgence est restée, s’est même intensifiée, mais le sens s’émoussait secrètement. C’est alors qu’est né et a grandi le sentiment d’urgence du sens.

Je n’écris pas pour dire ce que je pense, mais pour le savoir.

Emmanuel Berl

L’urgence du sens ne nous vient pas seulement à l’esprit, mais aussi au corps. Au temps des cathéters et quand les vrais enterrements viennent de commencer, comme le chantait Brassens, il devient étrangement urgent de répondre d’une façon ou d’une autre à la question du sens. Aussi, mon métier d’auteur consiste-t-il, aujourd’hui, à faire courir contre la montre une plume dont la trajectoire vise à explorer le mystère du sens. 

Je n’écris pas pour dire ce que je pense aurait, dit-on, affirmé Emmanuel Berl, mais pour le savoir. J’ai fait mienne cette phrase programmatique de l’écrivain. Pour savoir jusqu’où je pourrai comprendre  — ou non — un peu du sens de ma vie, de celui du monde, et même, ô ultime folie, du sens du sens. Bref, un objectif monstrueusement ambitieux et voué à l’inachèvement. Ça tombe bien : je n’ai pas envie d’arrêter !

PS : À toutes fins utiles, précisons que ce que je désigne par « sens » ne doit pas être assimilé à un but, un objectif, ni même à une ambition, toutes choses raisonnables par ailleurs. Peut-être le sens est-il quelque chose comme la condition d’existence de ces choses ? Le sens serait-il antérieur à la raison, serait-il sa loi ?

Lire écrire et parler

Depuis ma vie d’étudiant jusqu’à ce jour, j’aurai finalement passé l’essentiel de mon temps à lire, écrire et parler. Il faut toutefois encore ajouter les voyages incessants, fructueux mais épuisants, au travers de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Mais aurai-je jamais fait autre chose de mes dix doigts qu’aligner des mots ? Tenir un stylo ou taper sur un clavier d’ordinateur ou d’un téléphone portable ?

Passionné de lecture, enfant j’ai dévoré la Bibliothèque verte, et puis la rose. Et puis celle qui était rouge et or. Lire m’était un refuge. J’ai puisé dans la bibliothèque de mes parents : Alexandre Dumas me faisait d’Artagnan, et le Roi n’était pas mon cousin… MM Lagarde et Michard m’ont fait découvrir la littérature. J’entassais comme de précieuses reliques les merveilleux petits Classiques Larousse de ma grande sœur. J’empruntais des séries noires chaque semaine à un cousin généreux… Aujourd’hui encore je garde le souvenir heureux de tous les soirs d’été consacrés à ces lectures.

« Un texte peut toujours en lire un autre, et ainsi de suite jusqu’à la fin des textes »

Gérard Genette, Palimpsestes, Éditions du Seuil, 1982

C’est pourquoi, aujourd’hui, l’artisanat solitaire et concret de l’écriture me convient tout particulièrement. Je trouve enfin dans cette activité une matière concrète à modeler, la possibilité de ce qu’on nomme une « création ». Mais on sait bien que ce mot de « création » est plus métaphorique qu’autre chose. Il s’agit plutôt ici de la poursuite de l’entreprise poétique qui a saisi l’humanité au moins depuis l’épopée de Gilgamesh.

Je n’écris pas pour dire ce que je pense, disait Emmanuel Berl, mais pour le savoir. Je fais mienne cette observation et chaque nouvelle page me démontre le bien fondé de cet entreprise. Une entreprise qui m’amène à produire ce que Genette désigne par le joli mot de palimpsestes. 

« Un texte peut toujours en lire un autre, et ainsi de suite jusqu’à la fin des textes » écrivait-il sur la quatrième de couverture de son Palimpsestes. La littérature au second degré, la littérature au énième degré, c’est ce que nous faisons, défaisons et reprenons encore.  Lire, écrire et parler, encore et encore…

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